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La procédure contradictoire et ses exigences en matière d'expertise médicale : les carences de la CPAM

  • Photo du rédacteur: Rodolphe BAYLE
    Rodolphe BAYLE
  • 30 juil. 2024
  • 5 min de lecture

Contexte d'une lésion chronique


Le litige porte sur la contestation par la société S.A.S.U. [6] de la durée des arrêts de travail prescrits à M. [Z] [W] suite à un accident du travail survenu le 13 janvier 2017. M. [W].


M. [Z] [W], mis à disposition de la société [5] par la société de travail temporaire S.A.S.U. [6], a subi une entaille à l'avant-bras gauche causée par une meuleuse.


Cet accident a entraîné une série d'arrêts de travail continus jusqu'au 21 mai 2018, justifiés par des certificats médicaux indiquant une « plaie face antérieure avant-bras droit rectifié gauche».


  1. Commission de recours amiable : Le 30 janvier 2018, la société [6] a contesté la durée des arrêts de travail. La commission a confirmé le lien entre les arrêts de travail et l’accident du travail le 8 mars 2018.

  2. Tribunal des affaires de sécurité sociale : Saisi le 2 mai 2018, il a désigné un expert médical le 1er décembre 2020. L’expert a conclu à une consolidation au 25 décembre 2017, les arrêts postérieurs étant dus à une lésion chronique non liée à l'accident.

  3. Tribunal judiciaire de Charleville-Mézières : Par jugement du 31 octobre 2023, il a déclaré inopposables à la société [6] les arrêts de travail postérieurs au 25 décembre 2017 et a débouté la CPAM de sa demande d’expertise.

  4. Cour d’appel de Nancy : La société [6] a interjeté appel du jugement.


Les parties s'opposent sur la transmission des éléments médicaux et le caractère chronique d'une lésions antérieur


La société S.A.S.U. [6] a principalement soutenu que la CPAM des Ardennes n'avait pas respecté le principe du contradictoire en ne transmettant pas l'intégralité du dossier médical de M. [Z] [W] aux experts désignés par le tribunal. Elle a souligné que seule une partie des documents, notamment le rapport du médecin-conseil, avait été fournie, ce qui n'était pas suffisant pour permettre aux experts de mener une évaluation complète et équitable de l'imputabilité des arrêts de travail à l'accident du travail. La société a fait valoir que cette omission avait compromis les droits de la défense et que, par conséquent, les conclusions des experts ne pouvaient être considérées comme valides. En raison de cette violation du principe du contradictoire, la société a demandé que tous les arrêts de travail postérieurs au 25 décembre 2017 soient jugés inopposables.

La société a également souligné que les experts médicaux, bien qu'ils n'aient disposé que d'une partie des informations nécessaires, avaient conclu que les arrêts de travail postérieurs au 25 décembre 2017 n'étaient pas imputables à l'accident du travail, mais à une lésion chronique (tendinopathie du biceps gauche) non directement liée à l'accident. En se basant sur ces conclusions, la société a demandé à la cour de déclarer inopposables tous les arrêts de travail postérieurs au 25 décembre 2017 et de condamner la CPAM des Ardennes au remboursement des frais d'expertise d'un montant de 360 euros ainsi qu'aux dépens de l'instance.


La CPAM des Ardennes a contesté les arguments de la société S.A.S.U. [6], affirmant qu'elle avait respecté le principe du contradictoire en fournissant les documents médicaux en sa possession, notamment le rapport du médecin-conseil. La CPAM a précisé que certains documents nécessaires à l'expertise n'étaient pas en sa possession mais détenus par le médecin traitant de M. [Z] [W]. Par conséquent, elle ne pouvait être tenue responsable de leur absence dans le dossier d'expertise. La CPAM a argué que c'était à l'expert désigné par le tribunal de se rapprocher du médecin traitant pour obtenir les documents nécessaires, et que la responsabilité de l'absence de certains documents ne pouvait lui être imputée.

En ce qui concerne l'imputabilité des arrêts de travail, la CPAM a affirmé que les arrêts étaient directement liés à l'accident du travail du 13 janvier 2017. Elle a soutenu que l'ensemble des arrêts de travail prescrits à M. [Z] [W] au titre de cet accident devait être opposable à la société S.A.S.U. [6], car ils découlaient des suites de l'accident. La CPAM a donc demandé à la cour d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières le 31 octobre 2023, de juger qu'elle avait respecté le principe du contradictoire et de condamner la société S.A.S.U. [6] aux entiers dépens de l'instance.


La Cour doit trancher plusieurs difficulté pour déterminer les lésions imputables


Dans quelle mesure l'absence de transmission complète des documents médicaux par la CPAM viole-t-elle le principe du contradictoire et affecte-t-elle la validité de l'expertise médicale dans le cadre de la contestation des arrêts de travail liés à un accident du travail ?


Les arrêts de travail prescrits après la date de consolidation peuvent-ils être légalement opposés à l'employeur lorsque les preuves documentaires nécessaires à l'expertise médicale sont incomplètes ou insuffisantes ?


Quelle est l'étendue de la responsabilité de la CPAM dans la transmission des documents médicaux nécessaires à l'expertise médicale, et quelles conséquences juridiques découlent d'une carence dans cette transmission sur la validité des arrêts de travail liés à un accident du travail ?


La Cour statue en faveur de l'employeur, les carences de la CPAM et la lésion antérieure justifient l'inopposabilité d'une fraction des arrêts pris en charge


1. Le principe du contradictoire et la transmission des documents médicaux


La Cour d'appel a examiné si la CPAM des Ardennes avait respecté le principe du contradictoire en matière de transmission des documents médicaux nécessaires à l'expertise.


Selon l'article 275 du Code de procédure civile, les parties sont tenues de fournir à l'expert tous les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission.


En cas de carence, l'expert doit en informer le juge qui peut alors ordonner la production des documents manquants.


Dans cette affaire, la Cour a constaté que la CPAM n'avait pas transmis tous les documents médicaux pertinents à l'expert initialement désigné, le docteur [S], ni à son remplaçant, le docteur [F].


La CPAM avait seulement fourni le rapport du médecin-conseil et un compte rendu d'hospitalisation, sans transmettre les autres documents médicaux demandés.


La Cour a noté que cette carence a compromis la mission de l'expert, qui n'a pas pu évaluer de manière complète et contradictoire la relation entre les arrêts de travail postérieurs au 25 décembre 2017 et l'accident du travail du 13 janvier 2017.


La Cour a également relevé que, selon l'article R. 441-13 (Ancien) du Code de la sécurité sociale, le dossier constitué par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) doit comprendre la déclaration d'accident et les divers certificats médicaux détenus par la caisse.


La CPAM, en omettant de transmettre ces documents, a donc violé les dispositions légales et le principe du contradictoire.


2. L'imputabilité des arrêts de travail


La Cour d'appel a ensuite évalué l'imputabilité des arrêts de travail postérieurs au 25 décembre 2017.


Elle s'est appuyée sur les conclusions des experts médicaux, qui avaient déterminé que les arrêts de travail postérieurs à cette date étaient dus à une tendinopathie du biceps gauche, une lésion chronique non imputable à l'accident du travail.


La Cour a souligné que, selon la jurisprudence (notamment civ. 2e, 7 mai 2015, pourvoi n° 14-14064), l'arrêt de travail doit avoir un lien direct et certain avec la pathologie prise en charge.


En l'absence de preuves suffisantes démontrant que les arrêts de travail postérieurs au 25 décembre 2017 étaient directement liés à l'accident du travail, la Cour a conclu que ces arrêts de travail ne pouvaient être considérés comme imputables à l'accident.

3. La conséquence de la carence de la CPAM

En raison de la carence de la CPAM dans la transmission des documents médicaux et de l'absence de lien direct entre les arrêts de travail postérieurs au 25 décembre 2017 et l'accident du travail, la Cour a confirmé la décision du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières de déclarer inopposables à la société S.A.S.U. [6] les arrêts de travail prescrits après cette date.


La Cour a également débouté la CPAM de sa demande d'expertise complémentaire et l'a condamnée aux dépens de l'instance, incluant les frais d'expertise.


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