𝐋'𝐢𝐦𝐩𝐮𝐭𝐚𝐛𝐢𝐥𝐢𝐭𝐞́ 𝐝𝐞𝐬 𝐚𝐜𝐜𝐢𝐝𝐞𝐧𝐭𝐬 𝐯𝐚𝐬𝐜𝐮𝐥𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬 𝐜𝐞́𝐫𝐞́𝐛𝐫𝐚𝐮𝐱 (𝐀𝐕𝐂) 𝐞𝐧 𝐦𝐢𝐥𝐢𝐞𝐮 𝐩𝐫𝐨𝐟𝐞𝐬𝐬𝐢𝐨𝐧𝐧𝐞𝐥 : 𝐮𝐧𝐞 𝐚𝐧𝐚𝐥𝐲𝐬𝐞 𝐜𝐫𝐨𝐢𝐬𝐞́𝐞
- Rodolphe BAYLE
- 17 juil. 2024
- 5 min de lecture
L’imputabilité des accidents vasculaires cérébraux (AVC) survenant en milieu professionnel est un sujet complexe et délicat.
Les employeurs se trouvent souvent confrontés à des défis importants lorsqu'il s'agit de prouver que ces incidents ne sont pas directement liés aux conditions de travail.
Nous avons analysé deux décisions récentes des cours d'appel de Nancy et d'Amiens afin de comprendre les critères retenus par les juridictions pour établir (ou non) l’imputabilité d’un AVC au travail.
En un mot, l’imputabilité des AVC survenant en milieu professionnel est une question complexe nécessitant des preuves solides. Les décisions récentes des cours d'appel de Nancy et d'Amiens illustrent les défis auxquels les employeurs sont confrontés. Une gestion proactive des risques et une documentation rigoureuse sont essentielles pour défendre efficacement leurs intérêts.
I. Analyse de la jurisprudence de la Cour d'appel de Nancy
CA Nancy, 22/05/2024, n° 23/01198
1. Les faits et la procédure
Le 22 mai 2024, la Cour d'appel de Nancy a rendu une décision importante concernant un salarié ayant subi un AVC sur son lieu de travail. Le salarié prétendait que son AVC, survenu pendant son temps de travail, devait être qualifié d’accident du travail.
Faits : le salarié a été victime d’un AVC avec des troubles visuels.
Procédure : la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a été saisie pour reconnaissance de l’accident du travail, mais l’employeur a contesté cette qualification.
2. Les arguments des parties
Employeur : il a contesté la qualification d’accident du travail en mettant en avant l’absence de preuves concrètes établissant que l’AVC était directement lié au travail du salarié.
CPAM : elle a argumenté que les troubles visuels étaient apparus pendant son temps de travail et que l’AVC devait donc être reconnu comme un accident du travail.
3. La Cour d'appel de Nancy a conclu que :
La preuve de la survenance des troubles visuels pendant le temps de travail ne reposait que sur les affirmations du salarié.
En l’absence de corroboration par des éléments extérieurs, notamment l’absence de témoignage de l’épouse du salarié ou de l’interrogation de la caisse, la qualification d’accident du travail ne pouvait être retenue.
4. Quelle leçon en tirer
La décision de la Cour de Nancy souligne l’importance des preuves matérielles et objectives pour établir l’imputabilité d’un AVC au travail.
Cette exigence de preuves est essentielle pour les employeurs, car elle empêche la reconnaissance automatique de tels incidents comme accidents du travail.
II. Analyse de la jurisprudence de la Cour d'appel d'Amiens
CA Amiens, 02/04/2024, n° 19/01269
1. Les faits et la procédure
Le 2 avril 2024, la Cour d'appel d'Amiens a examiné un cas similaire où un salarié a souffert d’un AVC ischémique.
Faits : le salarié souffrait d’hypertension artérielle et de troubles du rythme cardiaque, conditions préexistantes à l’AVC.
Procédure : la CPAM avait initialement refusé de reconnaître l’AVC comme un accident du travail, décision contestée par le salarié.
2. Les arguments des parties
Employeur : il a fait valoir que les conditions de travail n’ont pas aggravé l’état de santé préexistant du salarié et que l’AVC a été la conséquence de son état de santé personnel.
CPAM: la Caisse a soutenu que les conditions de travail ont contribué à l’aggravation de son état de santé, entraînant l’AVC.
3. La décision de la Cour La Cour d'appel d'Amiens a décidé :
Qu’il n’y avait pas de lien direct entre le malaise du salarié et ses conditions de travail.
Que l’AVC devait être considéré comme une conséquence de son état de santé préexistant, non imputable aux conditions de travail.
4. Analyse critique
Cette décision met en avant la nécessité pour les employeurs de démontrer l’absence de lien de causalité entre les conditions de travail et les incidents de santé des salariés.
Les antécédents médicaux et l'état de santé général du salarié jouent un rôle déterminant dans la décision finale.
III. Implications pour les employeurs
1. La charge de la preuve
Les décisions de Nancy et d’Amiens montrent clairement que la charge de la preuve repose largement sur l’employeur pour démontrer l’absence de lien direct entre les conditions de travail et l’AVC.
En pratique, cela signifie que les employeurs doivent être prêts à présenter des preuves concrètes et tangibles pour réfuter les allégations de lien de causalité.
La simple contestation des affirmations du salarié ne suffit pas; des éléments factuels doivent être fournis pour convaincre les tribunaux de l’absence de relation entre le travail et l’AVC.
2. Importance des dossiers médicaux et des expertises
Il est impératif pour les employeurs de se baser sur des expertises médicales détaillées et complètes.
Les dossiers médicaux doivent être minutieusement analysés pour identifier les antécédents de santé du salarié.
Les employeurs doivent s'assurer que les expertises sont réalisées par des professionnels reconnus et qu'elles abordent tous les aspects pertinents du cas, y compris les antécédents médicaux, les conditions de travail, et les facteurs de risque non liés au travail.
Une documentation rigoureuse et des rapports d'expertise bien étayés sont essentiels pour démontrer que l'incident n'est pas imputable aux conditions de travail.
3. Prévention et documentation
La prévention et la documentation sont des outils sous estimés par les employeurs souhaitant se protéger contre les revendications injustifiées.
Voici un guide pratique sur les mesures à adopter :
Prévention :
Proposer des bilans de santé périodiques pour les employés, en particulier ceux occupant des postes à haut risque.
Assurer que les conditions de travail respectent les normes de sécurité et de santé. Minimiser les facteurs de stress et instaurer des pauses régulières.
Former les employés et les responsables aux premiers secours et à la gestion du stress. Sensibiliser sur les symptômes des AVC et autres maladies graves.
Documentation :
Maintenir des dossiers complets et à jour sur les conditions de travail et les incidents survenus. Consigner les témoignages des collègues et des supérieurs hiérarchiques. L'historique du dossier d'un salarié pourra potentiellement révéler, ou du moins, laisser supposer un état pathologique antérieur.
Mettre en place des procédures d’urgence bien définies pour réagir rapidement en cas de malaise ou d’incident médical au travail.
En cas d'incident, mener des enquêtes internes approfondies pour recueillir des preuves et des témoignages immédiatement après les faits. Documenter toutes les actions prises et les résultats obtenus.
4. Réagir efficacement face à une revendication
Lorsqu'un employé prétend que son AVC ou tout autre incident médical est lié au travail, les employeurs doivent :
Recueillir immédiatement les déclarations des témoins, les rapports médicaux et toute autre preuve pertinente.
Travailler étroitement avec la CPAM pour fournir tous les documents et informations nécessaires à l'évaluation du dossier.
Faire appel à des experts médicaux pour obtenir des avis professionnels et indépendants sur l'état de santé de l'employé et les possibles liens avec les conditions de travail.
En appliquant ces mesures de manière proactive, les employeurs pourront non seulement améliorer la sécurité et le bien-être de leurs employés, mais aussi se prémunir contre des revendications injustifiées.
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