La violation du délai de consultation passive justifie l'inopposabilité de la prise en charge
- Rodolphe BAYLE
- 28 oct. 2024
- 3 min de lecture
Cour d'appel de Bastia, 9 octobre 2024, 23/00047
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Ah, la CPAM... Elle sait parfois allier rapidité et intransigeance, un duo que les employeurs apprennent à appréhender.
Prenons cette affaire jugée par la Cour d’appel de Bastia le 9 octobre 2024, où la CPAM n'a pas manqué de faire preuve de célérité – peut-être même un peu trop.
Au cœur du litige ? Un accident du travail déclaré par un salarié, une lombalgie causée par un « faux mouvement ». Un dossier comme on en voit des centaines, sauf que cette fois-ci, l’employeur ne l’entendait pas de cette oreille.
En février 2022, un salarié de la S.A.S.U. [X] déclare un accident du travail, diagnostiqué par son médecin de famille comme une « lombalgie sévère ».
Un faux mouvement suffit parfois pour mettre en branle une procédure de reconnaissance d'accident du travail, et c’est ce qui s’est produit.
Malgré les réserves émises par l’employeur, qui suspecte plutôt un problème préexistant, la CPAM fonce tête baissée et décide rapidement de prendre en charge l’accident.
Résultat ? Une contestation portée devant le tribunal judiciaire de Bastia, puis la Cour d’appel, avec, entre autres, la question du respect du droit au contradictoire.
Une consultation "passive" ou "inexistante" ?
Le décret du 23 avril 2019 impose à la CPAM une certaine méthodologie : informer l'employeur de la date de consultation du dossier, lui laisser le temps de se préparer, puis lui accorder deux délais successifs pour consulter le dossier – un premier avec observations, un second dit « passif », sans observations.
Un schéma simple ? Pas vraiment, si l’on en croit les pratiques de notre chère CPAM de Haute-Corse.
Dès le premier jour de la phase passive, soit le 17 mai 2022, l’organisme se précipite et valide l'accident, rendant son verdict avant que l’employeur ait eu le temps d’ouvrir le dossier !
La S.A.S.U. [X], un peu interloquée par tant de promptitude, porte alors l’affaire en appel, clamant haut et fort que son droit de consultation n’a pas été respecté.
Entre non-respect du contradictoire et absence de matérialité
La S.A.S.U. [X] formule deux arguments principaux, que voici :
L'employeur n’a pas pu consulter le dossier dans les délais prévus en phase passive. Une subtilité que la CPAM semble avoir « omise ».
Sans témoin ni éléments convaincants, le lien entre le faux mouvement et le travail semble pour le moins fragile, si l’on en croit les faits avancés. La lombalgie du salarié pourrait bien provenir d’un problème personnel plutôt que d’une activité professionnelle.
La CPAM, de son côté, défend son emportement, se retranchant derrière la présomption d’imputabilité qui « couvre » la déclaration de l’accident.
Selon elle, les dispositions du Code de la sécurité sociale autorisent cette prise en charge rapide et sans concession, bien qu'on puisse se demander si l’observation d'un délai de consultation n’aurait pas renforcé cette prise de décision.
La Cour tranche : une prise de décision « prématurée »
La Cour d’appel de Bastia, probablement partagée entre consternation et amusement, a tranché en faveur de l’employeur.
Selon elle, la CPAM, en validant l’accident dès le début de la phase de consultation passive, a enfreint les dispositions du Code de la sécurité sociale et violé le principe du contradictoire. La décision du tribunal judiciaire de Bastia est donc infirmée : la prise en charge de l’accident est déclarée inopposable à l’employeur, avec des dépens mis à la charge de la CPAM.
Cet arrêt montre comment une décision hâtive de la CPAM peut engendrer des litiges évitables. En matière d’accidents et de maladies professionnelles, où la rigueur de la procédure est aussi essentielle que les éléments médicaux, il est prudent pour la CPAM de respecter ses propres règles de consultation.
On pourrait suggérer à la CPAM de Haute-Corse un rappel des bonnes pratiques en contentieux : la rapidité est une qualité, certes, mais quand elle fait obstacle au droit, il vaut mieux savoir lever le pied.
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