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CRRMP express, le comité statue avant que l’employeur n'ait fini son café

  • Photo du rédacteur: Rodolphe BAYLE
    Rodolphe BAYLE
  • 15 oct. 2024
  • 6 min de lecture

Cour d'appel d'Amiens, 2 septembre 2024, 22/03694 : https://justice.pappers.fr/decision/f9d3129871c7e847b0ce8912a91ab2fe8c7a40ec

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Contexte de l'affaire


Le 2 septembre 2024, la Cour d'appel d'Amiens a rendu un arrêt concernant un litige opposant la société SAS [4] à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Somme.


Le différend portait sur la reconnaissance d'une maladie professionnelle, à savoir un syndrome anxio-dépressif (ou burn-out) déclaré par Mme G., salariée de la société.


La pathologie en question n'étant pas inscrite au tableau des maladies professionnelles, sa reconnaissance nécessitait un avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).


La CPAM a accepté la prise en charge de la maladie après l'avis favorable du CRRMP, décision que la société SAS [4] a contestée en sollicitant l'inopposabilité de la prise en charge, en invoquant des irrégularités procédurales variées.


Ce cas de figure s'inscrit dans un contexte où la reconnaissance des maladies professionnelles est souvent sujet à des contentieux, en particulier lorsqu'il s'agit de maladies hors tableau.


Ces pathologies nécessitent un traitement particulier, impliquant une évaluation par un comité d'experts, le CRRMP, qui se prononce sur le lien entre l'affection et l'activité professionnelle du salarié.


La contestation par l'employeur se fonde fréquemment sur des questions de procédure, de transparence ou d'atteinte aux droits de la défense, comme c'est le cas ici.


1. Saisie prématurée du CRRMP


1.1 Position de la société SAS [4] et de la CPAM


La société SAS [4] reprochait à la CPAM d'avoir transmis le dossier au CRRMP avant l'expiration du délai imparti pour formuler ses observations.


Selon la société, cette transmission prématurée constituait une atteinte au principe du contradictoire, la privant de temps suffisant pour analyser le dossier et y ajouter les éléments nécessaires.


De ce fait, elle estimait que la prise en charge de la maladie devait être jugée inopposable.


La CPAM, pour sa part, a fait valoir qu'elle avait strictement respecté la procédure prévue par le Code de la sécurité sociale.


Elle a souligné que l'employeur avait été dûment informé des différentes échéances de consultation, et qu'il avait été en mesure de compléter le dossier dans les délais impartis. La CPAM a également fait remarquer que la transmission du dossier au CRRMP s'était faite de manière progressive, permettant ainsi un examen exhaustif par le comité.


En outre, la CPAM a insisté sur l'importance du respect des échéances légales, faisant valoir que les délais prévus par le Code de la sécurité sociale n'ont pas vocation à être prolongés de manière indéterminée sous prétexte de permettre à une partie d'enrichir le dossier.


Elle a affirmé que le principe du contradictoire avait été pleinement respecté dans ce cadre procédural, et que l'employeur avait eu toutes les possibilités de faire valoir ses arguments, d'autant plus que des informations supplémentaires pouvaient être transmises même après la saisie du CRRMP.


1.2 Rejet des prétentions de la société


La Cour d'appel d'Amiens a jugé que le principe du contradictoire n'avait pas été violé par la CPAM.


  • La cour a estimé que les informations transmises à l'employeur, portant sur les différentes phases de consultation et les échéances, étaient conformes aux prescriptions légales.


  • La cour a jugé que, bien que la transmission du dossier au CRRMP soit intervenue avant l'expiration du délai, l'employeur avait eu l'opportunité de compléter le dossier avant que le CRRMP ne rende sa décision. Le jugement de première instance a été confirmé, et la demande d'inopposabilité de la société a été rejetée.


  • La cour a également souligné que le respect des délais procéduraux ne signifiait pas nécessairement que toutes les observations devaient être intégralement prises en compte avant la transmission du dossier au CRRMP.


La juridiction a jugé qu'en l'espèce, l'employeur avait bénéficié d'un accès suffisant au dossier et que ses droits procéduraux avaient été garantis, de sorte que la transmission au CRRMP ne pouvait être considérée comme prématurée.


2. Absence de notification de l'avis du CRRMP


2.1 Position de la société SAS [4] et de la CPAM


La société SAS [4] a également critiqué la CPAM pour ne pas avoir joint l'avis du CRRMP à la notification de la décision de prise en charge. Elle soutenait que l'absence de cet avis portait atteinte au principe du contradictoire, l'empêchant de comprendre pleinement les raisons de la prise en charge.


La CPAM a répondu que la loi ne l'obligeait pas à notifier l'avis du CRRMP en même temps que la décision de prise en charge. Selon elle, la décision en elle-même était suffisamment motivée pour garantir la transparence requise par le Code de la sécurité sociale.


La CPAM a également expliqué que l'avis du CRRMP, bien qu'important pour la prise de décision, ne constituait pas un document devant impérativement être transmis lors de la notification de la décision finale.


Elle a fait valoir que la motivation de la décision, en l'état, était assez détaillée pour permettre à l'employeur de comprendre les raisons du choix de la CPAM, et que l'avis du CRRMP était disponible sur simple demande, assurant ainsi le respect des droits des parties.


2.2 La Cour estime que la CPAM n'est pas tenue de transmettre l'avis du CRRMP


La cour a jugé que l'absence de notification de l'avis du CRRMP n'était pas, en soi, de nature à rendre la décision inopposable.


  • Elle a rappelé que le cadre légal ne prévoyait pas l'obligation de joindre l'avis à la décision, tant que la motivation de cette dernière était jugée suffisante. En conséquence, la cour a rejeté les arguments avancés par la société SAS [4] et confirmé la validité de la décision de prise en charge.

  • La cour a également mis en avant le fait que la transparence de la procédure était respectée par la possibilité pour l'employeur de demander communication de l'avis du CRRMP après la notification de la décision.

Ainsi, le défaut de transmission immédiate de l'avis ne constituait pas une entrave au droit de défense, mais simplement une modalité de procédure, respectant l'esprit des textes sans pour autant en dénaturer le contenu.


3. Manque de motivation de l'avis du CRRMP


3.1 Position de la société SAS [4] et de la CPAM


Au surplus, la société SAS [4] a invoqué le manque de motivation de l'avis du CRRMP, faisant valoir que cet avis n'était pas suffisamment détaillé et ne justifiait pas clairement pourquoi la pathologie de Mme G. relevait du cadre de la législation professionnelle. La société estimait que cette insuffisance de motivation justifiait la nullité de l'avis.


La CPAM a répondu que l'insuffisance de motivation de l'avis ne saurait rendre la décision de prise en charge inopposable. Elle a souligné que même si la motivation était jugée déficiente, cela n'entraînerait que la nullité de l'avis, sans affecter la validité de la décision finale de prise en charge.


La CPAM a également rappelé que l'avis du CRRMP est un élément parmi d'autres pris en compte lors de la prise de décision, et que même en l'absence de détails précis dans cet avis, la décision de prise en charge pouvait être motivée par d'autres éléments du dossier.


Elle a souligné l'importance de ne pas se focaliser exclusivement sur l'avis du CRRMP, mais de considérer l'ensemble du processus décisionnel, lequel comprend plusieurs étapes et différents avis d'experts.


3.2 Rejet de l'inopposabilité


La cour a confirmé que le manque de motivation de l'avis du CRRMP ne pouvait être invoqué pour rendre la décision inopposable.


  • La cour a précisé que l'insuffisance de motivation ne pouvait conduire qu'à la nullité de l'avis, sans toutefois remettre en cause la décision de prise en charge. Par conséquent, la cour a rejeté la demande de la société SAS [4] visant à déclarer la prise en charge inopposable pour ce motif.

  • La cour a également estimé que la motivation globale de la décision de prise en charge par la CPAM était suffisante pour garantir la transparence de la procédure et le respect des droits de l'employeur. Elle a jugé que la finalité de la motivation était de permettre aux parties de comprendre les fondements de la décision, et non de détailler chaque étape du processus de manière exhaustive.


Ainsi, le fait que l'avis du CRRMP soit moins détaillé ne pouvait suffire à remettre en cause la décision finale. La cour a donc confirmé la validité de la prise en charge, tout en soulignant l'importance de la cohérence et de l'exhaustivité de l'ensemble des éléments du dossier.


Un arrêt critiquable


Cette décision de la Cour d'appel d'Amiens constitue une violation flagrante des droits de la défense et du principe du contradictoire, piliers fondamentaux de toute procédure équitable.


En rejetant les arguments de la société SAS [4], la cour a choisi d'ignorer les manquements évidents de la CPAM à ses obligations procédurales. La transmission prématurée du dossier au CRRMP et l'absence de notification de l'avis sont des atteintes manifestes aux droits de l'employeur, qui n'a pas été en mesure de préparer utilement sa défense dès le départ.


Il est impératif de rappeler que la protection des droits des parties ne doit jamais être sacrifiée au nom de l'efficacité des procédures administratives. La rigueur dans l'application des règles de procédure est essentielle pour garantir une véritable égalité des armes entre les parties.


En l'espèce, la CPAM a failli à ses obligations de transparence et de respect du contradictoire, et la décision de la cour, en confirmant la prise en charge, ne fait qu'aggraver cette situation.


On aurait espéré qu'a minima, la Cour aurait ordonné la saisine d'un second CRRMP face à un avis du premier CRRMP manifestement dépourvue d'une motivation suffisante.





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