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Maladie professionnelle hors tableau : la reconnaissance par la CPAM peut-elle se fonder uniquement sur l’avis du CRRMP ?

  • Photo du rédacteur: Rodolphe BAYLE
    Rodolphe BAYLE
  • 24 févr.
  • 4 min de lecture

Lorsqu’un salarié déclare une maladie d’origine professionnelle, l’employeur peut légitimement s’interroger sur les critères retenus par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) pour en établir la prise en charge.


Si la maladie est inscrite dans un tableau de maladies professionnelles, son origine professionnelle est présumée. Mais qu’en est-il lorsque la pathologie déclarée n’est pas listée dans ces tableaux ?


Dans un arrêt du 7 février 2025 (n°21/05628), la Cour d’appel de Paris a rappelé un principe fondamental : l’avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) ne suffit pas à lui seul à justifier l’opposabilité de la prise en charge à l’employeur. La CPAM doit prouver, au terme de son enquête, le lien direct et essentiel entre la maladie et le travail du salarié.


Ce rappel jurisprudentiel est essentiel pour les employeurs et les services RH, qui peuvent être confrontés à des décisions de reconnaissance de maladies professionnelles ayant un impact sur leur taux de cotisation AT/MP.


Cet article fait le point sur les enseignements de cette décision et les stratégies à adopter en cas de contestation.


1. Le cadre légal de la reconnaissance d’une maladie professionnelle hors tableau


La reconnaissance d’une maladie professionnelle repose sur les dispositions de l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, qui distingue deux cas de figure :


  • Si la maladie figure dans un tableau des maladies professionnelles : elle est présumée d’origine professionnelle, sous réserve de remplir les conditions du tableau concerné (travaux exposants, délai de prise en charge, etc.).


  • Si la maladie ne figure pas dans un tableau : elle peut être reconnue d’origine professionnelle si elle est directement et essentiellement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne une incapacité permanente d’au moins 25 % ou le décès du salarié. Dans ce cas, la CPAM doit consulter un CRRMP, dont l’avis s’impose à elle.


C’est précisément ce deuxième cas qui était en débat devant la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 7 février 2025.


2. L’affaire jugée : un litige sur l’inopposabilité de la reconnaissance de la maladie professionnelle


L’affaire concernait une salariée, Mme [K], employée par la SARL [6]. En janvier 2018, elle a déclaré à la CPAM souffrir d’une dépression qu’elle imputait à ses conditions de travail. Cette affection ne figurant pas dans les tableaux des maladies professionnelles, son dossier a été soumis au CRRMP, qui a rendu un avis favorable à la reconnaissance de l’origine professionnelle de la pathologie.


La CPAM a donc notifié la prise en charge de la maladie à l’employeur, qui a contesté cette décision en invoquant l’absence de preuve d’un lien direct et essentiel entre la maladie et le travail.


Le Tribunal judiciaire d’Évry, en première instance, a débouté l’employeur, estimant que l’avis du CRRMP suffisait à établir l’origine professionnelle de la maladie. Mais la Cour d’appel de Paris, saisie en appel, a infirmé cette décision et a déclaré la prise en charge inopposable à l’employeur.


3. Un rappel essentiel : l’avis du CRRMP ne peut se substituer à l’enquête de la CPAM


L’argumentaire de la CPAM


La CPAM soutenait que l’avis du CRRMP lui imposait la prise en charge de la maladie de Mme [K] et qu’elle n’avait pas à justifier davantage son caractère professionnel. Selon elle, la simple consultation du comité régional suffisait :


"La seule condition à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie est la saisine d'un CRRMP. Au cas présent, deux CRRMP l'ont été rendant des conclusions concordantes. Si la Société conteste le refus de prise en charge de sa pathologie, il lui appartient de démontrer l'absence de tout lien de causalité entre la maladie déclarée et l'activité professionnelle de sa salariée ce qu'elle échoue à faire."


La position de la Cour d’appel


La Cour d’appel de Paris a rejeté cette argumentation et a rappelé que la charge de la preuve de l’origine professionnelle d’une maladie hors tableau repose sur la CPAM. Elle a constaté que :


  • L’enquête administrative de la CPAM était insuffisante : l’organisme ne justifiait pas avoir mené une analyse approfondie des conditions de travail de la salariée.


  • Les avis des CRRMP n’étaient pas étayés par des éléments objectifs permettant d’affirmer un lien direct et essentiel entre la maladie et le travail.


  • L’employeur a apporté des éléments de preuve contraires, notamment :

    • L’absence d’évolution significative des conditions de travail de Mme [K].

    • Le fait que son état de santé pouvait être lié à des difficultés personnelles plutôt qu’à son activité professionnelle.


En conséquence, la Cour a estimé que la CPAM ne démontrait pas le caractère professionnel de la maladie et a déclaré la prise en charge inopposable à l’employeur.


4. Conséquences pour les employeurs et stratégies de contestation


  1. Elle rappelle que la CPAM doit mener une véritable enquête avant de prendre une décision de prise en charge.

  2. Elle donne des arguments solides pour contester une reconnaissance abusive fondée uniquement sur un avis du CRRMP.

  3. Elle évite aux employeurs de supporter une hausse injustifiée de leur taux de cotisation AT/MP en raison de maladies professionnelles insuffisamment justifiées.



5. Conclusion : un arrêt protecteur des employeurs face aux décisions arbitraires de la CPAM


L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 février 2025 est une décision de principe qui rééquilibre le rapport de force entre les employeurs et la CPAM en matière de reconnaissance des maladies professionnelles hors tableau.


En affirmant que l’avis du CRRMP ne suffit pas et que la CPAM doit apporter des justifications concrètes issues de son enquête, la Cour rappelle un principe fondamental de droit social : la charge de la preuve repose sur celui qui invoque un droit.


Employeurs et services RH doivent donc être particulièrement vigilants face aux décisions de reconnaissance de maladies professionnelles et ne pas hésiter à exercer leurs voies de recours en cas d’absence de justification suffisante.


Cette décision renforce la possibilité pour les entreprises de protéger leur taux de cotisation AT/MP et d’éviter des surcoûts liés à des imputations non fondées.


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