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Violation du principe du contradictoire devant la CMRA, la décision d’incapacité est déclarée inopposable

  • Photo du rédacteur: Rodolphe BAYLE
    Rodolphe BAYLE
  • 24 oct. 2024
  • 5 min de lecture

Cour d'appel de Bastia, 9 octobre 2024, 22/00176


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Le contexte


Le 9 octobre 2024, la Cour d’appel de Bastia a rendu une décision cruciale sur la question de l’opposabilité d’un taux d’incapacité permanente, à la lumière du respect du contradictoire dans la procédure devant la Commission Médicale de Recours Amiable (CMRA). Ce litige, opposant la société [4] à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Corse-du-Sud, met en lumière les exigences de la procédure administrative applicable à la fixation du taux d’incapacité après un accident de travail.


1. Exposé des faits et arguments des parties


L’affaire trouve son origine dans un accident de travail survenu le 10 juillet 2019 impliquant Madame [X], salariée de la société [4].


À la suite de cet accident, le médecin-conseil de la CPAM a fixé la date de consolidation de l’état de santé de l’assurée au 25 octobre 2021 et a déterminé un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 15 %.


Cette décision a été notifiée à l’employeur, la société [4], qui, estimant que ce taux était exagéré, a contesté son opposabilité en saisissant la CMRA.


La société [4] invoquait principalement que la CMRA n’avait pas respecté les procédures contradictoires prévues par les articles L. 142-4 et R. 142-8 du Code de la sécurité sociale.


En effet, elle soutenait que son médecin-conseil, le docteur [U], avait envoyé ses observations concernant le taux d’incapacité dans le délai légal, mais que ces observations n’avaient pas été prises en compte par la CMRA lors de sa délibération.


1.1. La société sollicite l'inopposabilité au motif d'une violation du principe du contradictoire devant la CMRA

La société [4] estimait que la procédure suivie devant la CMRA violait le principe fondamental du contradictoire.


Selon elle, l'article R. 142-8-3 du Code de la sécurité sociale dispose clairement que, dans le cadre de la contestation formée par un employeur, le médecin mandaté dispose d'un délai de 20 jours à compter de la réception du rapport médical pour faire valoir ses observations.


La société [4] a fourni la preuve que son médecin, le docteur [U], avait bien adressé ses observations par courrier recommandé le 4 avril 2022, comme prévu par la réglementation.


Or, la CMRA, réunie le 12 avril 2022, a expressément indiqué ne pas avoir reçu lesdites observations. Selon l'employeur, constitue un manquement grave à la procédure, rendant ainsi inopposable la décision du taux d’incapacité permanente.


1.2. La CPAM se défend en invoquant l'inapplicabilité du principe du contradictoire devant la CMRA en tant qu'organe administratif

De son côté, la CPAM a soutenu que la procédure devant la CMRA n’est pas soumise aux mêmes exigences que celles d'une instance juridictionnelle.


Elle a mis en avant le fait que la CMRA, en tant qu’organe non juridictionnel, n’est pas obligée de suivre une procédure contradictoire aussi stricte qu’un tribunal.


Elle soutenait donc que l’absence de prise en compte de l’avis du médecin-conseil de l'employeur n’était pas un vice de procédure susceptible d’annuler la décision.


En outre, la CPAM a argué que l'employeur n’était pas privé d’un recours effectif, puisqu'il pouvait contester cette décision devant les juridictions sociales.


Elle estimait que la CMRA n’avait pas agi de manière illégale en ne prenant pas en compte l'avis du médecin de l’employeur, et que ce dernier aurait pu soulever ses arguments dans le cadre de la procédure judiciaire qui suivait.


2. Le raisonnement de la Cour : la rigueur du contradictoire dans la procédure amiable


La Cour d’appel de Bastia a pris soin d’analyser minutieusement les arguments des deux parties, se concentrant principalement sur la question du respect du principe du contradictoire dans la procédure administrative menée devant la CMRA.


2.1. Le respect du contradictoire ne connait pas de frontière

La Cour a rappelé que, bien que la CMRA ne soit pas un tribunal au sens strict, elle est soumise à des règles qui garantissent les droits de la défense, notamment le principe du contradictoire, tel que posé par les articles 16 et 132 du Code de procédure civile.


Ces articles imposent que toute décision administrative ou judiciaire doit respecter les droits de chaque partie à présenter ses arguments, et ces arguments doivent être pris en compte avant que la décision ne soit rendue.


La Cour a considéré que "Ainsi le libellé retenu par le pouvoir réglementaire au stade de la création de la Commission médicale de recours amiable pour tout recours relevant, à l'instar de la situation en litige, de l'article L 142-4 du Code de la sécurité sociale, est dépourvu d'ambiguïté en ce qu'il garantit à tout stade de la procédure, y compris en sa phase administrative, le respect du principe du contradictoire que le juge et chacune des parties à une instance doivent observer et faire observer, en vertu des dispositions respectives des articles 16 et 132 du Code de procédure civile."


2.2. La violation du principe du contradictoire

La Cour a également relevé que les faits étaient clairs et incontestés : la CMRA avait reçu les observations du docteur [U] le 8 avril 2022, soit quatre jours avant sa réunion, mais avait néanmoins décidé de ne pas en tenir compte.


Ce manquement constituait une violation manifeste des droits de l’employeur.


La Cour a conclu : "il résulte des éléments contradictoirement débattus que la CMRA en a accusé réception dès le 8 avril 2022, soit avant de se prononcer le 12 avril suivant, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Corse-du-Sud n'a pas respecté le principe du contradictoire applicable dès le premier stade de recours non contentieux ouvert à l'employeur comme à l'assuré social."


2.3. Les conséquences de la violation : l'inopposabilité de la décision

En raison de cette violation, la Cour d’appel a estimé que la décision attribuant un taux d’incapacité permanente de 15 % à Madame [X] était inopposable à la société [4].


En effet, la société n’a pas eu la possibilité de faire valoir ses droits dans des conditions équitables, ce qui entachait la décision d’un vice de procédure substantiel.


La Cour a donc infirmé le jugement du Pôle social du tribunal judiciaire d’Ajaccio et a déclaré la décision de la CMRA inopposable à la société [4].


3. Analyse et portée de la décision


Cet arrêt souligne une fois de plus que le principe du contradictoire est un droit fondamental qui doit être respecté dans toutes les procédures, y compris les procédures administratives amiables.


L’arrêt de la Cour d’appel de Bastia du 9 octobre 2024 constitue un jalon important dans la défense des droits procéduraux des parties dans le cadre des procédures administratives.


Il clarifie l’importance du respect du contradictoire dans des instances telles que la CMRA, rappelant ainsi que la justice et l’équité doivent primer dans toutes les étapes de la procédure.

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