Maladie hors tableau : refus de prise en charge, quels enseignements ?
- Rodolphe BAYLE
- 17 oct. 2024
- 5 min de lecture
Cour d'appel de Paris, 27 septembre 2024, 16/15913
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Dans une décision récente, la Cour d'appel de Besançon, 27 septembre 2024, 23/01512, a adopté une approche stricte d'une maladie hors tableau, en confirmant le refus de prise en charge prononcé par la CPAM.
Une lombosciatique rejetée par la CPAM
Ce litige a débuté lorsque Mme [J] [T], employée d’une entreprise de services, a déposé en décembre 2014 une demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle. Elle souffrait de lombosciatique et estimait que cette pathologie était liée aux gestes répétitifs et au port de charges lourdes dans le cadre de son travail. La CPAM a refusé la prise en charge de sa maladie, estimant que les critères du tableau n°98 du Code de la sécurité sociale n’étaient pas remplis.
Une salariée persuadée d'être atteinte d'une maladie professionnelle
Mme [T] a fait appel de cette décision, avançant que la CPAM avait failli à ses obligations en ne saisissant pas le Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), ce qui aurait permis une évaluation plus approfondie de sa situation.
Elle soutenait que la CPAM avait négligé une étape essentielle de la procédure prévue en cas de doute sur la nature professionnelle de la maladie, et que cette omission constituait un manquement à son devoir d’instruction complète du dossier.
Mme [T] arguait également que l'absence de réponse de la CPAM dans les délais impartis devait être interprétée comme une décision implicite de prise en charge de sa maladie, selon les règles de la sécurité sociale. Elle estimait que ce silence administratif équivalait à une acceptation tacite, rendant ainsi la décision initiale inopposable.
En outre, Mme [T] demandait que sa maladie soit reconnue comme professionnelle en vertu de la présomption d’imputabilité prévue par l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale, qui considère certaines maladies comme présumées d'origine professionnelle dès lors que les critères spécifiques de durée d'exposition et de symptômes sont réunis.
Elle soulignait que ses symptômes correspondaient aux affections décrites dans le tableau n°98 et que la présomption devait donc s'appliquer, à défaut d'une preuve contraire fournie par la CPAM.
En réponse, la CPAM a fermement contesté cette requête, expliquant que les critères du tableau n°98, notamment la preuve de l’existence d’une hernie discale et une exposition répétée à des charges lourdes, n’étaient pas satisfaits dans le cas de Mme [T]. La CPAM a également précisé que le délai de prise en charge implicite n'était pas applicable ici, car les éléments requis pour enclencher cette procédure ne se trouvaient pas réunis.
La cour confirme le rejet de prise en charge de la maladie hors tableau
La cour d'appel de Paris a confirmé la décision initiale de la CPAM en rejetant les arguments présentés par Mme [T]. Trois points principaux ont structuré le raisonnement de la cour :
Non-respect des critères médicaux requis
La cour a procédé à une analyse approfondie des rapports médicaux fournis par Mme [T] et a conclu que la pathologie en question ne remplissait pas les critères du tableau n°98 des maladies professionnelles.
Pour bénéficier de la reconnaissance en tant que maladie professionnelle, la pathologie devait répondre à des conditions strictes, telles que la présence d'une hernie discale clairement documentée, une exigence qui faisait défaut dans le cas de Mme [T].
Par ailleurs, la condition d'exposition régulière à des charges lourdes n'était pas satisfaite. Ces deux exigences, jugées essentielles par la CPAM, n'étant pas vérifiées, justifiaient pleinement le refus de prise en charge.
Absence de prise en charge implicite
Mme [T] soutenait que l'absence de réponse de la CPAM dans les délais légaux devait être interprétée comme une prise en charge implicite de sa maladie. La cour a fermement rejeté cette interprétation, précisant que le silence administratif ne pouvait être considéré comme une acceptation tacite lorsque les critères médicaux n'étaient pas remplis.
La cour a rappelé que la CPAM n'avait aucune obligation de saisir le CRRMP en l'absence d'éléments médicaux probants attestant du caractère professionnel de la maladie. En conséquence, la prétendue prise en charge implicite n'était pas applicable.
Pathologie hors tableau et exigences renforcées
La cour a souligné que les pathologies hors tableau, contrairement à celles listées dans les tableaux réglementaires, ne bénéficient pas de la présomption d'imputabilité. Elles nécessitent une démonstration particulièrement rigoureuse pour établir leur lien direct avec l'activité professionnelle.
Cela implique la présentation de preuves robustes, telles que des expertises médicales détaillées et des descriptions précises des conditions de travail, qui permettent d'établir un lien de causalité indéniable.
Dans le cas de Mme [T], la cour a estimé que les éléments de preuve fournis étaient insuffisants pour établir ce lien. L'ensemble des documents médicaux et des informations concernant les conditions de travail ne permettait pas de conclure à une origine professionnelle de la lombosciatique, justifiant ainsi le rejet de la demande.
Conseils pratiques pour les employeurs, RH et direction juridique
L'arrêt de la cour d'appel de Paris met en lumière les exigences rigoureuses imposées pour la reconnaissance d'une pathologie hors tableau comme maladie professionnelle.
Voici quelques conseils pratiques à retenir pour guider les employeurs tout au long de la procédure de reconnaissance d'une maladie hors tableau :
Exiger des preuves médicales solides : Pour les pathologies hors tableau, il est impératif de vérifier que le salarié dispose de preuves médicales indéniables établissant un lien direct entre la pathologie et l'activité professionnelle.
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Documenter les conditions de travail : Veillez à documenter de manière systématique les conditions de travail des employés, en particulier pour les postes susceptibles de provoquer des maladies professionnelles.
Cela inclut les descriptions de tâches, les évaluations des risques professionnels, et les mesures de prévention mises en place. Ces éléments peuvent aider à prouver l'absence de lien causal direct entre les conditions de travail et la pathologie.
Encadrer la procédure de saisine du CRRMP : La cour a rappelé que cette saisine n'est obligatoire que lorsque des preuves suffisantes sont fournies. Il est donc important de suivre strictement les critères établis pour contrer cette saisine.
Faire valoir l'absence de critères requis : Lorsque les critères du tableau ne sont manifestement pas remplis, il est essentiel de bien structurer les arguments pour justifier le refus de reconnaissance. L'absence de preuves, telles qu'une hernie discale dans le cas étudié, est un argument clé qui doit être bien étayé pour justifier le rejet de la demande. Insister sur le non-respect des critères d'exposition à des charges lourdes est également crucial.




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