Accident ou malaise simulé ? La vidéosurveillance et l'huissier au secours de l'employeur !
- Rodolphe BAYLE
- 11 oct. 2024
- 4 min de lecture
L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles le 19 septembre 2024 (n° RG 23/02709) porte sur une demande d'inopposabilité concernant la décision de prise en charge d'un accident du travail par la CPAM de la Drôme.
En synthèse
Cet arrêt apporte la démonstration que la matérialité d'un accident du travail exige des preuves rigoureuses et cohérentes.
La combinaison de la vidéosurveillance et du constat d'huissier dans cette affaire est un exemple frappant de l'efficacité de l'utilisation de preuves matérielles pour contester la présomption d'imputabilité.
Une approche méthodique et exhaustive est essentielle pour établir la véracité des faits ou leur inopposabilité dans les contentieux relatifs aux accidents du travail.
Si l'employeur a su ici adopter une telle approche, la défense de la CPAM s'est montrée insuffisante en se limitant à invoquer la présomption d'imputabilité.
La jurisprudence actuelle, en plaçant des exigences asymétriques sur les parties, tend à complexifier davantage le processus probatoire et impose aux employeurs d'adopter de plus en plus de telle pratique pour justifier de leur bonne foi.
I. Contexte et procédure
1. Contexte
La société S.A.S. [6] a contesté la décision de la CPAM, qui avait pris en charge un accident de travail survenu le 1er mars 2019 impliquant l'un de ses employés, M. [P] [D], en application de la législation professionnelle.
L'entreprise a soulevé des réserves quant à la matérialité de l'accident, arguant que l'événement ne s'était pas produit dans les conditions habituelles de travail. L'employeur a adopté une démarche méthodique, se fondant sur des éléments objectifs, tels que les enregistrements de vidéosurveillance, pour appuyer ses réserves.
Cette stratégie dénote une volonté manifeste de contester avec rigueur la version des faits proposée par la victime, en s'assurant que chaque aspect soit rigoureusement documenté.
2. Procédure
Après de le rejet de la demande par la commission de recours amiable de la CPAM, la société a porté l'affaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre, afin d'obtenir une déclaration d'inopposabilité de la décision de prise en charge.
Le 29 août 2023, le tribunal a rejeté cette demande et déclaré la décision opposable à l'entreprise. Suite à cette décision défavorable, l'entreprise a fait appel devant la Cour d'appel de Versailles.
La persistance de l'employeur à ne pas s'en tenir à la décision administrative initiale, mais à explorer toutes les voies de recours disponibles, témoigne de l'importance de se prémunir de preuves solides lorsqu'il entend contester un accident du travail.
Cela reflète également la complexité croissante du système, où les employeurs doivent surmonter des obstacles toujours plus importants pour protéger leurs intérêts.
II. Les parties s'oppose sur la réalité du malaise
1. Arguments de la société, le malaise simulé
La société conteste la réalité de l'accident du travail, arguant que la CPAM n'a pas rapporté la preuve d'un fait accidentel survenu dans le cadre du travail.
La société avance que les enregistrements de vidéosurveillance montre clairement que la victime a simulé son malaise de sorte que les soins et arrêts de travail prescrits n'avaient aucun lien avec l'accident allégué.
En outre, en demandant la mise en œuvre d'une expertise à titre subsidiaire, la société manifestait son ouverture à une investigation objective et approfondie, renforçant ainsi la crédibilité de ses positions.
L'utilisation de la vidéosurveillance a été déterminante dans ce contexte, car elle fournit une preuve matérielle qui vient directement contredire les affirmations de la victime.
2. Arguments de la CPAM Intimée
La CPAM a soutenu que la matérialité de l'accident était établie, s'appuyant sur la présomption d'imputabilité de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale.
Cette présomption, favorable aux salariés, vise à leur éviter d'avoir à assumer la charge de la preuve. Cependant, la défense de la CPAM s'est avérée insuffisante face aux éléments matériels produits par l'employeur.
En effet, la CPAM n'a pas été en mesure de fournir de preuves complémentaires susceptibles d'étayer la matérialité de l'accident, se contentant d'invoquer la présomption d'imputabilité.
III. La Cour d'appel prononce l'inopposabilité du malaise
La Cour d'appel de Versailles a infirmé le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre.
La Cour a estimé que les preuves présentées par la société, notamment les vidéos montrant un comportement maîtrisé et délibéré de la part de la victime, ne permettaient pas de caractériser un accident du travail.
En l'absence de preuve d'un fait accidentel survenu dans le cadre du travail, la présomption d'imputabilité ne pouvait s'appliquer.
Par conséquent, la décision de la CPAM a été déclarée inopposable à la société.
La Cour a également souligné l'importance de la combinaison entre la vidéosurveillance et le constat d'huissier, qui a permis de démontrer l'absence de matérialité de l'accident.
Cette double approche a été décisive pour certifier l'authenticité et la continuité des images, renforçant ainsi la crédibilité de la preuve.
La stratégie adoptée par l'employeur s'est révélée particulièrement pertinente, en ce qu'elle a permis de démontrer les incohérences dans les déclarations de la victime, appuyées par des preuves matérielles solides et incontestables.
Il ressort de cette jurisprudence que les employeurs se trouvent de plus en plus placés dans des situations difficiles pour démontrer l'absence d'un accident de travail.
À l'inverse, la simple allégation d'un incident est souvent suffisante pour que la CPAM prenne en charge le cas, sans exiger une preuve irréfutable, ce qui crée une asymétrie manifeste dans les exigences probatoires.
Cette situation contraint les employeurs à déployer des moyens considérables, comme dans ce cas précis, où la combinaison de la vidéosurveillance et du constat d'huissier a finalement permis de convaincre les magistrats.
De telles pratiques pourraient devenir de plus en plus fréquentes à l'avenir, tant les juridictions tendent à favoriser la prise en charge des accidents, sans pour autant assurer le respect du principe du contradictoire à l'égard des employeurs.
En conséquence, les employeurs voient leurs droits d'accès aux éléments du dossier se réduire, rendant leur défense de plus en plus complexe.
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