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Lésion psychologique et agression verbale : quand la dépression antérieure justifie le refus de la CPAM

  • Photo du rédacteur: Rodolphe BAYLE
    Rodolphe BAYLE
  • 31 juil. 2024
  • 5 min de lecture

Contexte de refus de prise en charge en l'absence de preuve suffisante


Le 2 juillet 2024, la Cour d’appel de Nancy, Chambre sociale, 1re section, a rendu une décision intéressante sur la reconnaissance d’un accident de travail suite à une agression verbale. Cette décision, référencée sous le numéro 24/00089, pose la question du caractère professionnel d’accident en cas d’agression verbale et de dépression réactionnelle. L’affaire oppose un salarié à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) des Ardennes.


Monsieur [C] [T], employé en qualité de réceptionniste depuis le 7 mars 2001, a déclaré le 23 septembre 2021 un accident de travail survenu le 30 octobre 2020. Il affirme avoir subi une agression verbale de sa hiérarchie, entraînant un état de stress et une dépression réactionnelle.


La CPAM a rejeté la demande de reconnaissance d'accident du travail


Le salarié soutient que la situation est lien avec son activité professionnelle alors que la CPAM relève l'existence d'un état antérieur


Dans cette affaire, M. [C] [T], le salarié, avançait plusieurs arguments pour soutenir sa demande de reconnaissance de l'accident de travail. Il affirmait que l'agression verbale dont il aurait été victime le 30 octobre 2020 constituait un fait accidentel survenu à l'occasion du travail. Selon lui, cette agression, caractérisée par des propos violents et intimidants de la part de sa hiérarchie, avait engendré un état de stress intense et une souffrance psychologique significative. Il ajoutait que cette situation avait directement provoqué une dépression réactionnelle, diagnostiquée par un médecin le 29 octobre 2020. M. [T] insistait sur le fait que le lien de causalité entre l'agression verbale et sa dépression était indéniable, et par conséquent, que cet événement devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle. En outre, il contestait la décision de la CPAM des Ardennes de refuser la prise en charge, estimant que l'enquête menée n'avait pas suffisamment pris en compte les circonstances et la gravité de l'incident.

La CPAM des Ardennes, représentée par Madame [W] [D], opposait une contestation ferme à ces assertions. Elle arguait qu'aucun fait accidentel identifié ne pouvait être dégagé des éléments du dossier. Selon la caisse, les témoignages recueillis lors de l'enquête n'étaient pas concluants quant à l'existence d'une agression verbale à caractère professionnel. Les témoins, bien qu'ils aient attesté d'un échange verbal animé, n'avaient pas pu confirmer la nature agressive des propos échangés. De plus, la CPAM relevait une incohérence temporelle dans les déclarations de M. [T], soulignant que le certificat médical initial indiquait une dépression réactionnelle datée du 29 octobre 2020, soit avant la date de l'incident allégué et caractérisant un état antérieur. Cette antériorité, selon la caisse, affaiblissait considérablement la thèse de M. [T] sur le lien de causalité direct entre l'événement du 30 octobre et son état de santé. La CPAM maintenait également que, même si un échange verbal animé avait eu lieu, rien ne prouvait qu'il présentait un caractère anormal ou violent justifiant une prise en charge au titre des accidents du travail.


La Cour doit trancher le caractère suffisant ou non des éléments de preuve rapportés par le salarié au soutient de sa demande de reconnaissance d'un AT


Il s'agit de déterminer si une agression verbale survenue sur le lieu de travail peut être qualifiée d'accident de travail. Cette question implique d'examiner si les faits allégués par le salarié répondent aux critères légaux d'un accident de travail, c'est-à-dire un événement ou une série d'événements survenus à une date certaine par le fait ou à l'occasion du travail, ayant causé une lésion corporelle ou psychologique.


Dans quelle mesure le salarié doit-il fournir des éléments probants pour établir la réalité des faits allégués et leur caractère professionnel ? Ici, la question se pose de savoir si les témoignages et les certificats médicaux produits sont suffisants pour prouver l'existence d'une agression verbale et son impact direct sur la santé du salarié.


Comment les juridictions doivent-elles apprécier les divergences dans les témoignages et les certificats médicaux, notamment lorsque ceux-ci semblent indiquer des dates et des faits discordants ?


La Cour confirme le refus de prise en charge de la CPAM au motif que le salarié ne rapporte aucune preuve suffisante de la matérialité de l'accident déclaré



La Cour d'abord revisité les faits tels que présentés par M. [T] et la société CORA HYPERMARCHE. Selon la déclaration du salarié, l’accident de travail découlerait d’une agression verbale par sa hiérarchie le 30 octobre 2020, engendrant une dépression réactionnelle. La Cour a examiné la cohérence des déclarations de M. [T], en comparant la date de l’événement allégué et la date du certificat médical initial, qui mentionnait une dépression réactionnelle datée du 29 octobre 2020. Cette incohérence temporelle a été considérée comme un élément affaiblissant la crédibilité de la version du salarié.

Ensuite, la Cour s'est penchée sur les preuves et témoignages fournis. Bien que des témoins aient attesté d’un échange verbal animé entre M. [T] et un manager de rayon le 30 octobre 2020, ces témoignages ne corroboraient pas de manière suffisante l’allégation d’une agression verbale caractérisée. La Cour a noté que les témoins n’étaient pas en mesure de confirmer la teneur exacte des propos échangés et n’ont pas attesté d’une nature agressive ou anormale des échanges. Cette absence de preuve claire et précise a conduit la Cour à conclure que le fait accidentel invoqué n'était pas établi de manière convaincante.

Le raisonnement de la Cour a également porté sur le lien de causalité entre l’événement du 30 octobre 2020 et la dépression réactionnelle de M. [T]. La Cour a examiné le certificat médical initial du 29 octobre 2020, qui indiquait déjà une dépression réactionnelle avant la date de l’incident allégué. Cette antériorité a été considérée comme un facteur majeur déstabilisant l’argumentation de M. [T] sur la causalité directe entre l’agression verbale et son état de santé. La Cour a souligné que le certificat médical ne pouvait attester de faits non constatés directement par le médecin et que l'établissement d'un diagnostic a posteriori ne suffisait pas pour prouver un lien de causalité immédiat et direct.

Après avoir examiné tous les éléments du dossier, la Cour a conclu que le fait accidentel n’était pas caractérisé de manière probante et que le lien de causalité entre l’événement du 30 octobre 2020 et la dépression réactionnelle de M. [T] n’était pas établi de manière convaincante. En conséquence, la Cour a décidé de confirmer le jugement de première instance rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, rejetant ainsi la demande de reconnaissance de l’accident de travail.


CA Nancy, ch. soc. 1re sect., 2 juill. 2024, n° 24/00089. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Nancy/2024/CAP5426156014CF4C1B3687


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