Inexactitudes administratives : le tableau n° 57 et l'obligation d'I.R.M.
- Rodolphe BAYLE
- 12 juil. 2024
- 4 min de lecture
CA Orléans, ch. securite soc., 11 juin 2024, n° 23/01862. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Orleans/2024/CAP9C96FA005B893F9DE48F
1. Contexte
Il s'agit d'une affaire relative à l'inopposabilité de la décision de prise en charge d'une maladie professionnelle par la CPAM de l'Indre, suite à la contestation par l'employeur de son salarié.
M. [U] [P] a déclaré une tendinopathie de l'épaule gauche le 17 janvier 2022, initialement diagnostiquée le 22 décembre 2021. La CPAM de l'Indre a pris en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle à partir du 22 décembre 2021.
L'employeur, la société [5], a contesté cette prise en charge en alléguant un manque d'accès aux éléments du dossier médical complet.
Première instance : Le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux a rejeté les demandes de la société [5], qui contestait la prise en charge de la maladie professionnelle de son salarié par la CPAM de l'Indre. Le tribunal a estimé que les obligations de la CPAM avaient été respectées et a condamné la société [5] aux dépens.
Appel : La société [5] a fait appel de ce jugement le 17 juillet 2023, soutenant que la CPAM n'avait pas respecté le principe de la contradiction en ne permettant pas à l'employeur de consulter l'intégralité des éléments du dossier. Elle demande à la Cour d'appel de déclarer la décision de prise en charge inopposable.
2. Les prétentions des parties
Appelante : Société [5]
Principe de la contradiction non respecté :
La société [5] argue que la CPAM de l'Indre n'a pas respecté le principe de la contradiction. Elle soutient que l'employeur n'a pas eu la possibilité de consulter l'intégralité des éléments du dossier avant la prise de décision. En particulier, la CPAM n'a pas communiqué la date de réalisation de l'IRM requise par le tableau n° 57 des maladies professionnelles.
Charge de la preuve :
Elle soutient que la charge de la preuve incombe à la CPAM, qui doit démontrer que les conditions médicales du tableau n° 57 ont été respectées. En l'absence de preuve de la réalisation de l'IRM avant la prise de décision, la décision de prise en charge doit être déclarée inopposable.
Erreur dans la fiche médico-administrative :
La société [5] souligne que la fiche de colloque médico-administratif indique par erreur qu'aucun examen n'était requis par le tableau, alors qu'une IRM est nécessaire pour objectiver la pathologie. Cette erreur montre que la CPAM n'a pas correctement vérifié les conditions de prise en charge avant de prendre sa décision.
Intimée : CPAM de l'Indre
Respect du principe de la contradiction :
La CPAM soutient que le principe de la contradiction a été respecté. Elle affirme que la fiche médico-administrative et les dates de consultation du dossier ont été mises à disposition de l'employeur, permettant à ce dernier de présenter ses observations.
Accord sur le diagnostic :
Bien que la date de l'IRM n'ait pas été mentionnée, la CPAM fait valoir que le médecin-conseil a coché la case indiquant que les conditions médicales du tableau n° 57 étaient remplies. Elle affirme que cela signifie que l'IRM a bien été réalisée et que le diagnostic de la pathologie était correct.
Erreur matérielle :
La CPAM reconnaît une erreur matérielle dans la fiche de colloque médico-administratif, mais soutient que cette erreur n'affecte pas la validité de la prise en charge. Elle insiste sur le fait que l'erreur est corrigée par la transmission de l'IRM pendant l'instance devant le tribunal.
Dépôt tardif de la contestation :
La CPAM argue que la société [5] a tardivement contesté la décision de prise en charge, ce qui démontre que l'employeur avait bien connaissance des éléments du dossier dès le départ.
3. Le problème de droit
La CPAM a-t-elle respecté le principe de la contradiction en ne prouvant pas l'existence de l'IRM requise par le tableau n° 57 des maladies professionnelles avant de prendre la décision de prise en charge, et cette absence de preuve justifie-t-elle que la décision de prise en charge soit déclarée inopposable à l'employeur ?
Ce problème de droit se concentre sur l'obligation de la CPAM de fournir la preuve nécessaire de la réalisation des examens médicaux requis (en l'occurrence, une IRM) et sur les conséquences de l'absence de cette preuve sur la validité de la décision de prise en charge.
4. La solution de la Cour
La Cour d'appel d'Orléans a infirmé le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Châteauroux.
Elle a considéré que la CPAM de l'Indre n'avait pas respecté son obligation d'information envers l'employeur.
La Cour a relevé que la CPAM n'a pas prouvé la réalisation de l'IRM, requise par le tableau n° 57 des maladies professionnelles pour objectiver la pathologie de M. [P].
Cette preuve est essentielle pour valider la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.
La Cour a estimé que :
la fiche colloque médico administratif (pièce n° 6 de la caisse) indique qu’il n’y a pas d’examen prévu par le tableau alors que le tableau n° 57 désigne la pathologie pouvant être prise en charge au titre de la législation professionnelle comme une rupture de la coiffe des rotateurs devant être objectivée par I.R.M. Lors de la phase d’instruction, et plus précisément pendant le délai qui lui était imparti pour présenter ses observations, l’employeur, en l’absence de visa du moindre élément médical extrinsèque, n’a pas pu déterminer si le médecin-conseil avait effectivement vérifié que la maladie avait bien été objectivée par une I.R.M.
La seule mention de la codification de l’acte, contrairement à ce que prétend la caisse, ne saurait suffire à le démontrer. Il en résulte que la caisse n’a pas rempli son obligation d’information à l’égard de l’employeur lors de la phase d’instruction et que le principe de la contradiction a été violé.
En conséquence, la Cour a déclaré la décision de prise en charge de la maladie "rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivés par IRM" inopposable à la société [5].
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