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L'Inopposabilité en matière de faute inexcusable ?

  • Photo du rédacteur: Rodolphe BAYLE
    Rodolphe BAYLE
  • 4 juil. 2024
  • 4 min de lecture

La décision de la Cour d'appel de Nîmes du 30 mai 2024 (n° 22/04056) offre une riche matière à réflexion sur la doctrine de l'inopposabilité, particulièrement dans le contexte des maladies professionnelles et de la faute inexcusable de l'employeur.


Contexte et faits de l'affaire


Dans cette affaire, M. [Y] [V], employé en qualité de conducteur livreur pour la SAS [10] depuis 1999, a déclaré en 2017 une pathologie du rachis lombaire, reconnue comme maladie professionnelle par la CPAM du Gard.


Après plusieurs rechutes et une consolidation de son état, M. [V] a été licencié pour inaptitude en 2019. Il a ensuite saisi la justice pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.


Procédure et arguments des parties


La procédure a débuté par une saisine du pôle social du tribunal judiciaire de Nîmes, qui a reconnu la faute inexcusable de l'employeur et a ordonné des mesures d'indemnisation.


La SAS [10] a fait appel de cette décision, contestant à la fois la prise en charge de la maladie professionnelle et la qualification de faute inexcusable.


Problématique juridique


Le cœur du litige réside dans la question de savoir si la SAS [10] avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel M. [V] était exposé et si elle a manqué à ses obligations de prévention des risques professionnels.


De plus, la SAS [10] a soulevé la question de l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la CPAM.


Analyse de la Décision de la Cour d'Appel


Sur la faute inexcusable


La Cour d'appel a rappelé que Lla faute inexcusable de l'employeur est définie par l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale, lequel prévoit que lorsqu'un employeur ou ceux qu'il s'est substitués dans la direction de l'entreprise ont conscience du danger auquel est exposé le salarié et qu'ils n'ont pas pris les mesures nécessaires pour le préserver, la faute inexcusable est caractérisée.


De plus, l'article L.4121-1 du Code du travail impose à l'employeur une obligation de sécurité de résultat, ce qui signifie qu'il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.


Application au Cas Présent


Dans l'affaire examinée par la Cour d'appel de Nîmes, M. [Y] [V] a allégué que la SAS [10] avait commis une faute inexcusable en ne prenant pas les mesures nécessaires pour le protéger des risques liés aux vibrations causées par les camions qu'il conduisait.


Pour prouver la faute inexcusable, M. [V] devait démontrer deux éléments clés :


  1. Conscience du Danger : M. [V] devait prouver que la SAS [10] était ou aurait dû être consciente du danger auquel il était exposé, à savoir les vibrations des camions susceptibles de causer des lombalgies et autres pathologies du rachis lombaire.

  2. Absence de Mesures Adéquates : M. [V] devait également prouver que la SAS [10] n'avait pas pris les mesures nécessaires pour prévenir ce danger.


Position de la Cour

La Cour d'appel a conclu que M. [V] n'a pas réussi à apporter la preuve de la conscience du danger par la SAS [10].


Les éléments de preuve fournis, notamment les témoignages et les documents relatifs aux véhicules, n'ont pas suffi à établir que l'employeur avait connaissance du risque ou aurait dû en avoir connaissance :


"La Sas [10] était bien consciente des risques que pouvaient encourir des chauffeurs routiers.

Cependant, comme le rappellent les premiers juges, 'l’appréciation de l’éventuelle faute inexcusable de l’employeur doit nécessairement être faite au regard du véhicule effectivement conduit par M. [Y] [V]' ; or, contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, il n’est pas établi que M. [Y] [V] conduisait un véhicule immatriculé [Immatriculation 5] ;"


De plus, la Cour a noté que la SAS [10] a mis en place certaines mesures de prévention, telles que l'utilisation de sièges à suspension hydraulique et la sensibilisation des conducteurs au réglage des sièges, ce qui indique un effort de prévention des risques professionnels. Par conséquent, la faute inexcusable n'a pas été reconnue.


Sur l'Inopposabilité


Contexte Légal


L'inopposabilité est une doctrine juridique permettant à une partie de contester l'application d'une décision ou d'un acte à son égard.


Dans le contexte des maladies professionnelles, une entreprise peut tenter de faire déclarer une décision de prise en charge inopposable, c'est-à-dire non applicable, afin de se dégager de ses responsabilités.


Application au Cas Présent


La SAS [10] a demandé à la Cour d'appel de déclarer inopposable la décision de la CPAM de prendre en charge la pathologie de M. [V] comme maladie professionnelle.


L'argument de l'inopposabilité visait à contester le caractère professionnel de la maladie, afin de se dégager des responsabilités et obligations financières découlant de cette reconnaissance.


Position de la Cour


La Cour d'appel a rejeté la demande d'inopposabilité de la SAS [10].


Elle a souligné que l'inopposabilité ne pouvait pas être utilisée pour contester la décision de la CPAM de reconnaître le caractère professionnel de la maladie.


Une fois que la CPAM a pris une décision de prise en charge d'une maladie comme professionnelle, cette décision lie l'employeur, sauf en cas de recours spécifique contre la décision de la CPAM dans les délais et formes prévus par la loi.


Toutefois, l'employeur conserve la possibilité de contester la faute inexcusable sans remettre en cause la reconnaissance de la maladie professionnelle par la CPAM.


En d'autres termes, même si la maladie est reconnue comme professionnelle, l'employeur peut tenter de prouver qu'il n'a pas commis de faute inexcusable ayant conduit à cette maladie.



Cette décision illustre la rigueur des exigences probatoires en matière de faute inexcusable et la difficulté pour les employeurs de contester les décisions de prise en charge des maladies professionnelles.


Elle met en lumière l'importance pour les employeurs de documenter soigneusement et de contester promptement les notifications de prise en charge de la CPAM

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